Ainsi soient-ils saison 2 : notre avis

Ainsi soient-ils - saison 2 - série Arte

 

 

Nota bene : nous avons pu visionner l’intégralité des épisodes de la saison 2, sans laquelle il est impossible de se faire une idée suffisamment précise de la série. Attention : cet avis révèle quelques facéties de la saison 2… 😉

Du côté positif

Commençons par le côté positif : il existe, dans ces 8 x 50 = 400 minutes de la saison 2 (ouf!), quelques bonnes répliques éparses. On a aimé, par exemple, la réponse du directeur du séminaire à un jeune cancéreux de l’hôpital, qui lui demandait sa prière : « tu sais, je prie déjà pour toi ». Ou, celle de José, à la question d’un nouvel ami « tu crois aux miracles, toi ? » : « Tu sais, il y a un miracle chaque jour, c’est la messe, quand le Christ vient dans l’eucharistie. ». Sans oublier les paroles de saints placés à bon escient, comme de Don Bosco (qui a tout de même donné son nom au supérieur du séminaire, le méchant Père Bosco). Un peu de douceurs dans un monde de brutes, cela fait du bien ! Mais à part ça… que cela doit être ennuyeux d’être prêtre, aujourd’hui ! Que cela ne donne pas envie de pousser la porte d’un séminaire ! Comme ils le disent sur le faux-site du séminaire des Capucins créé par Arte : c’est « Bo-ring » (au sujet de la contemplation du Christ en Croix).

Du côté surprises

Alors, côté surprises, si on cherche bien, outre Kleenex, la série a peut-être été sponsorisée par Nikko. Oui, vous savez, les jouets téléguidés qu’on achète en grande surface. Car dans Ainsi soient-ils, tout est prévisible, cousu de fil blanc et or, à douze kilomètres. Et si quelque chose de nouveau arrivait, le suspens serait celui d’un classique épisode de télé-réalité, ambiance Capucins Academy ou Loft-Séminaire, à vous de voir. « Whaouuuuu, un séminariste couche de nouveau avec un garçon rencontré en boîte de nuit !». Super, on s’en doutait pas. Du reste, chez nos pros de la manip’, il n’y a pratiquement aucun prélat qui puisse prendre la parole en public ou dans les médias sans qu’un autre plus malin que lui n’intervienne en amont pour lui préparer sa réponse. Tout est calculé : joli subterfuge ! Bravo à toute l’équipe, on n’y voit que du feu !

Attention, embarquement immédiat pour la déprime !

Pour dire les choses clairement, quand on regarde Ainsi soient-ils, être séminariste, c’est manifestement ce qui peut vous rendre le plus malheureux au monde (contrairement à cette étude de Forbe selon laquelle être prêtre est le métier qui rend le plus heureux). Pensez donc à prendre quelques cachets d’antidépresseurs avant d’entrer aux Capucins, s’il-vous-plaît, merci ! Vos parents, eux, vont pleurer. Et nous avec. A leur sujet, c’est très simple : soit vous êtes un catholique sympa (c’est à dire forcément progressiste) et alors vous venez d’une famille « normale », soit vous être un garçon un peu trop catho (c’est à dire un peu tradi) et dans ce cas, vos parents sont des bourgeois, ou pire encore, de riches aristos BCBG aux sordides histoires de famille (avec suicidés svp, desquels on ne pourra d’ailleurs pas assurer l’enterrement : c’est formellement interdit par l’Eglise, cf saison 1).

D’où que vous puissiez venir, de toute manière, à peine vous aurez posé le premier pied (gauche ou droite, pas d’importance) dans cet univers fermé, sombre et glauque, qu’une bordée de tuiles mal arrimées d’un toit mal entretenu vous tomberont sur la tête. Pas de bol ! Ainsi, les personnages vivent tous des trucs des plus dramatiques : tentatives de meurtre, petite copine d’enfance qui revient (ah… Fabienne, nostalgie quand tu nous tiens !) ou même l’ex-séminariste de vos amours homos sur lequel – vraiment pas de chance, là ! – vous tombez à la Fnac du coin sans pouvoir dire un mot devant vos petits condisciples. Terriiibbllle !!! Trop dur. Et vous l’avouez devant eux, en plus, une fois l’âme sœur envolée.

Oui, décidément, c’est beaucoup trop dur, une vie de séminariste. Et on ne vous parle pas du véritable nœud de vipères de la Conférence des évêques de France, ou « il faut mentir chaque jour » (sic) pour survivre. Limite si un stage de commandos marine vous préparerait mieux à la virulence des évêques, véritables serpents prêts à vous avaler tout cru – qui l’eut cru ? – sur le sentier de leurs folles ambitions personnelles.

En attendant, on vous propose – ce n’est pas un blague, là – un stage au service communication de la dite CEF, histoire de bien se moquer des catholiques et de leurs campagnes de dons forcément trop ringardes. Vous leur expliquerez vous-mêmes comment faire mieux, vous êtes jeune, vous, et même s’ils le prennent mal, forcément. Pendant ce temps, vous aurez l’impossible mission de rester un joujou dans les mains du supérieur du séminaire, cherchant à sauver son poste en pleine faillite de l’Eglise de France, fille aînée de l’Eglise. Mais cela ne vous dérange pas, car vous êtes, au fond, un arriviste : vous intriguerez donc à la CEF, à la recherche de toutes sortes d’informations. Vous y serez déguisé en grenouille de bénitier et James Bond à la fois.

Et bien sûr, dans cette déroute financière à la hauteur de l’absence de tout renouveau dans l’Eglise de France, on fait appel à Rome pour se porter garant auprès des banques, car, c’est bien connu, le Vatican est riche. Très très riche, même, si vous saviez ! Vous allez le savoir : l’archevêque de Paris est alors convoqué par le pape en personne, son projet de vendre le séminaire des Capucins mis à mal par certains comploteurs, dont un évêque à la mèche trop longue pour ne jamais avoir existé en vrai… Notons aussi que cet idée de vendre le séminaire vient peut-être de la mise en vente du couvent dans lequel vous êtes en train de tourner (là encore, voir Secrets de tournage).

A Rome (c’est sous-titré « Vatican »), on retrouve, alors, évidemment, le pape de la saison 1, même si, entre temps, François a succédé à Benoît XVI. Car plutôt qu’un pape ayant été élu homme de l’année par le Times, il nous faut un pontife pontifiant en mode « Pie XII » de Costa-Gavras : un vieux vieillard sénile entouré d’huiles essentielles avec du gel dans les cheveux, sur un parquet grinçant dans un décors luxueux. Le pape, pour finir, suggère lui-même d’augmenter la commission que sa banque déjà bien garnie touchera pour la vente de ce lieu si cher à votre cœur de séminariste, même s’il est celui de vos tourments. Et il vous donne sa bénédiction apostolique. Ah ? Nous voici enfin débarrassés de cette série noire ? Patience, pas encore… (La saison 3 est en tournage, dans laquelle, peut-être, qui sait, le pape sera dépeint en Oncle Picsou nageant dans son or ?).

Avec toutes ces richesses, l’archevêque pourra continuer en solitaire ses fastueux déjeuners, ambiance « chaussée au moines ». Et c’est fou cette nouvelle mode dont on parle sans cesse : la soutane ! Notons aussi que les locaux de la Conférence des évêques de France (ceux du CESE, voir rubrique Secrets de tournage) sont bien trop grands pour le peu de catholiques que l’on trouve encore en France : il n’y a pas un chat, oserions nous dire pas âme qui vive. (Ils auraient pu le vendre aussi, mais son président se serait sans doute vigoureusement opposé à cette idée, sur ordre du gouvernement. 😉

L’archevêque de Paris, lui est un peu moins débile vers la fin qu’au début de cette saison 2. Il ne cesse de se perdre dans ces lieux staliniens. Qu’importe, il sera toujours gentiment reconduit par des religieuses nunuches aux regards mielleux et aux jupes trop courtes pour être vraies. A croire, d’ailleurs, depuis le début de cette série, que les femmes sont toutes un peu naïves, voire assez connes, disons-le, avec, d’ailleurs, les seconds rôles. Et puis quoi, l’Eglise catholique n’est-elle pas avant tout cet univers excessivement machiste qu’il faut bien faire ressortir d’une manière ou d’une autre ? Au secours, le « Comité de la jupe » ! Où êtes-vous ? Lisa et Luc, Psylvia, attendez-moi ! Bref,  toutes ces femmes ne font que pleurer abondamment ou presque, notamment de voir partir en fumée leurs relations (éminemment sexuelles) avec les beaux gosses (et saints) séminaristes que vous êtes… Que voulez-vous, l’Eglise catholique, là encore, n’autorise toujours pas les prêtres à se marier… ni les hommes mariés à devenir prêtres. Il serait temps d’évoluer : ce séminaire est décidément une impasse de société à lui tout seul ! Trop la honte ! Quand vous serez prêtre, c’est sûr, vous changerez tout ça. Si vous y parvenez, hé hé hé…

Car, là encore, ce qui pourrait vous arriver de pire, figurez-vous, avant l’ordination, ce n’est pas de larguer votre promise à vos corps et coeurs défendant. Non. C’est d’être séminariste et homosexuel. Là, face à l’immensité de la tâche qui vous attend pour réformer l’Eglise, c’est carrément une tension extrême : la Sainte Inquisition elle-même, en la personne du supérieur-gourou-psychopathe, viendra vous passer à la question au cours d’« entretiens psycho-affectifs » obligatoires pendant lesquels vous essaierez de (mal) cacher votre double vie. Bienvenue à Inquisitio ! Il n’y aura alors rien pour sauver votre âme de damné, sauf si, peut-être, vous redevenez hétéro, bien sûr. Et vous remarquerez, à force d’en parler à vos co-piaules qui surfent sur Internet – oui, dans l’Eglise, il y a l’électricité, malgré l’absence de chauffage, économies oblige – que ce n’est pas une lubie du supérieur, mais bien une demande du Vatican, texte à l’appui. Pour le pape, vous êtes donc une sorcière : CQFD. On comprend mieux tout cela quand on sait que l’un des deux conseillers religieux, de l’aveux même d’un des scénaristes à Télérama, est un prêtre qui a quitté le sacerdoce au bout de six mois pour vivre « librement » sa sexualité…

Et puis avons que sexuellement, ce n’est franchement pas le nirvana pour vous. La preuve, petit coquin, vous être obligés de vous masturber (1ère scène de l’épisode 3) derrière votre écran, avec la grande peur d’être pris en flagrant délit (là, on panique à mort : l’enfer). Sinon, ce sont des rencontres passionnelles mais interdites, donc vouées à l’échec…

Pourquoi ce désert sexuel, ce désir inassouvi, cette libido en surchauffe, cette pulsion animale à laquelle vous n’arrivez pas, même en vous forçant, à tordre le cou, alors qu’elle vous obsède ? Tout simplement parce que vous ne pouvez pas rester une personne équilibrée sans avoir de relations sexuelles. Tout le secret vaticanesque et bien gardé de la série est là. Ce n’est pas humainement possible, vous entendez ? Même en étant séminariste. A fortiori même en étant prêtre, et même, directeur de séminaire. Si vous êtes ce dernier, vous repousserez ainsi sans ménagement celle qui vous a longtemps soigné de votre cancer avec ses massages ésotériques aux énergies renouvelées. En sous-titre : « cachez-moi cette femme dont j’ai absolument besoin pour vivre – je suis un homme – mais que je ne saurais voir ! ». Vieux frustré, va ! On vous pardonne, car, heureusement, les jeunes sont là pour s’en donner à « cœur joie » avec leurs petites amies de la saison 1. Histoire aussi de satisfaire l’audi-auto-mat. Contents ? Mais, tout à fait entre nous, ce n’est pas encore franchement la pure joie, quasi absente de tout le cursus.

Ne vous inquiétez pas. Au fond, votre existence de séminariste totalement blasé et assez immature n’a rien de dramatique. Sauf si ce n’est, peut-être, pour vous comme pour le téléspectateur, la peine capitale de mourir d’ennui, comme dans une prison… d’Eglise. Ah, vraiment, que sont fatigantes, encore, vos récurrentes déprimes, assis, pensifs en haut des escaliers des Capucins ! On aurait envie de vous donner un bon coup de pied aux fesses pour aller, un peu, travailler, prier ou bien faire du sport… mais non, il faut vous contenter du scénar’. Dommage que nos recommandations données aux producteurs dans Le Nouvel Obs pendant la saison 1, n’aient pas été entendues… car c’est vraiment pas la joie. On en ressort en se disant qu’être séminariste c’est avoir une tête d’enterrement 24h/24. Tenez-vous en pour dit : si vous restez une minute de plus aux Capucins, c’est que vous aimez ça. Mais vous avez tout à fait le droit d’être sadomaso, car vu l’ambiance, tous les séminaristes le sont. Donc pas de problème, tout cela est parfaitement réaliste.

L’éternité, c’est long, surtout vers la fin…

Au finish, ces curés en herbe ont réussi l’exploit de rendre l’éternité plus longue dès le 1er épisode de la saison 2. Quant à nous, on a hâte que ça se termine, pour passer – enfin – à autre chose. En attendant – et il y a ici un réel intérêt – nous restons à votre écoute pour continuer de répondre à toutes vos questions sur Dieu et la foi, l’Eglise et le sexe, la Sainte Vierge ou, même, sur le diable, si jamais ça ne vous fait pas peur : tremblez, braves et honnêtes gens, tremblez !

 

Toute l’équipe

 

 

 

One Response to “Ainsi soient-ils saison 2 : notre avis

  • Bonjour et merci pour cette analyse à la fois sans concession et sans malveillance. Éloignée de ce que je viens d’entendre de Mgr di Falco ou lu de Mgr Wintzer il y a quelques semaines. Mais proche de ce que j’ai pu ressentir au regard de quelques extraits. Une question qui vient est : comment l’intention de déconsidérer, et en réalité de subvertir, que véhicule ce scénario, n’apparait-elle pas plus spontanément aux évêques cités plus haut ? Comment ne pas entendre le contenu sous-jacent de cette série qui est, après tant d’autres, mais avec un style travaillé qu’on a voulu convaincant, de rendre inconcevable et sans doute inhumaine et dangereuse de facto l’idée de renoncement à une sexualité normale ? Une sexualité normale étant de pouvoir et de devoir satisfaire les pulsions aussitôt qu’elles se manifestent. Pulsions que l’esprit de ce monde ne cesse de solliciter et d’attiser dès le plus jeune âge à présent, ce qui devrait inquiéter une société malheureusement occupée à « jouir un instant pour oublier la mort » (O. Clément)
    Au-delà de ce dont arte veut faire la démonstration, caché derrière une facture ambitieuse mais tellement lisible pour qui sait lire, ce genre de production ne fait que contribuer, pour sa part, à l’entreprise de désespérance contenue dans la culture de mort à l’œuvre sous nos yeux parfois assoupis. C’est pourquoi l’optimisme de certains est si dangereux, car l’optimisme ignore l’étendue et la vraie nature du mal et l’enjambe avec légèreté au nom d’un christianisme qui se doit de sourire. Ce qui n’est pas le cas de l’espérance qui considère avec attention l’état des lieux et appelle instamment le Christ-Médecin pour qu’Il ait pitié de notre misère et de notre maladie. Voir peut-être Marc 8, 31-38.
    Pour vivre le réel de notre humanité tentée en permanence tout en annonçant l’amour à ce monde perdu, il importe seulement de désirer la sainteté. De saints prêtres, de saints époux, de saints enfants, de saints larrons, de saints pauvres types comme moi, Dieu nous les donnera et nous le donnera si nous exprimons un désir brûlant de miséricorde qui ne cesse de monter vers Lui.
    Merci pour votre site et en communion.

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