Les suicidés ont-ils droit à une messe d’enterrement ?

Dans la série Ainsi soient-ils, comme le montre l’extrait ci-dessus, on refuse une messe d’enterrement à quelqu’un qui est suicidé. Même si cette pratique a pu exister, elle n’est plus d’actualité et bien surprenante dans la Série (mal renseigné sur ce point sans doute). Pour approfondir ce point, cet article détaille ce que représente le suicide pour les catholiques, et permet de se faire une idée plus précise de ce point évoqué par la série d’Arte.

Nous savons que Dieu est la Vie, car Jésus a dit: «Je suis la Voie, la Vérité, la Vie.» [Jn 14, 6]. Nous L’appelons aussi le «Dieu Vivant».

La mort est entrée dans la Création, comme conséquence du péché originel.  Qu’ont fait Adam et Eve? Ils ont désobéi à Dieu et ont mangé le fruit de l’Arbre de la connaissance du bien et du mal. Dans le langage biblique «connaître» est synonyme de «posséder». Dans ce cas précis, «posséder le bien et le mal» signifie «définir le bien et le mal», à la place de Dieu, donc autrement que Lui. Le péché originel, c’est l’inclination, héritée d’Adam et Eve,  à nous éloigner de Dieu, à refuser la Vie qu’Il nous insuffle, à inverser la hiérarchie des biens. (Par exemple préférer la jouissance de la gourmandise à la santé, ou préférer le plaisir sexuel débridé à la stabilité familiale, ou encore préférer l’appât du gain et du pouvoir à la justice sociale, ou enfin préférer se rendre un culte à soi-même plutôt qu’à Dieu.)

Cette inversion de la hiérarchie des biens nous éloigne du Dieu Vivant et est donc sanctionnée par la mort. C’est très logique. La mort n’est pas l’œuvre divine, c’en est la négation. Cependant Dieu le Fils, ou Fils de Dieu, s’est incarné pour nous montrer la beauté de la vie terrestre, qui est devenue, depuis la Chute, comme la grossesse de la vie éternelle. La mort est en quelque sorte l’accouchement qui voit la naissance de notre être. Le corps reste comme un placenta. L’âme rejoint son Créateur devant Lequel elle juge sa propre vie et en voit toute la médiocrité et toute la beauté. Elle est cependant encore liée au Temps, car elle attend la fin du monde, en se purifiant,  pour retrouver son corps qui ne sera plus une enveloppe placentaire et périssable, mais un corps glorieux impérissable.

Le suicide est donc l’acte le plus radical de négation de Dieu, c’est pourquoi il est un péché extrêmement grave dont les conséquences sont terribles, car  il brise injustement les liens de solidarité avec les sociétés familiale, nationale et humaine à l’égard desquelles nous demeurons obligés.

Certes l’Eglise, tout en affirmant la gravité du péché qu’est le suicide, reconnaît qu’il existe bien des troubles d’ordre psychique (mieux connus aujourd’hui qu’autrefois) qui peuvent diminuer la responsabilité du suicidaire. Elle ne mentionne donc plus les suicidés parmi les pécheurs manifestes auxquels on ne peut accorder les funérailles ecclésiastiques sans scandale public des fidèles, et laisse aux pasteurs le soin de décider dans chaque cas particulier de ce qui conviendra le mieux, après un vrai dialogue avec les proches du défunt.

Et surtout «on ne doit pas désespérer du salut éternel des personnes qui se sont donné la mort. Dieu peut leur ménager, par les voies que Lui seul connaît, l’occasion d’une salutaire repentance. L’Eglise prie pour les personnes qui ont attenté à leur vie.» (Catéchisme de l’Eglise catholique, n°2283)

C’est ce que le saint Curé d’Ars nous a appris par un des miracles les plus touchants de son ministère. Une dame avait perdu son mari, homme irréligieux, qui avait fini sa vie par le suicide. Inconsolable sur son sort, qu’elle croyait être la damnation éternelle, elle fut amenée par hasard à Ars et chercha à rencontrer le saint Curé pour l’interroger sur le malheureux défunt. Elle réussit à l’approcher et, avant même qu’elle eût pu lui dire un mot, le saint lui murmura à l’oreille: «Il est sauvé… Oui, il est sauvé», insista-t-il. La pauvre femme fit un geste de la tête qui voulait dire: «Oh! Ce n’est pas possible.» Alors, d’un ton affirmatif encore: «Je vous dis qu’il est sauvé, qu’il est en purgatoire et qu’il faut prier pour lui… Entre le parapet du pont et l’eau il a eu le temps de faire un acte de repentir.»

Dieu seul sonde les cœurs et les reins et Lui seul connaît parfaitement l’âme qui se présente à Lui.

5 Responses to “Les suicidés ont-ils droit à une messe d’enterrement ?

  • Bonjour,

    Quand vous dites elle n’est plus d’actualité (le refus de la messe d’enterrement) pouvez-vous nous dire depuis quand?
    Merci

    • Merci de votre demande de précision, très utile. Voici la réponse, via Port St Nicolas :

      Au fur et à mesure que grandissait notre connaissance des maladies dépressives, l’Eglise, comme toute la société d’ailleurs, a en effet été amenée à changer le regard qu’elle portait sur le suicide et à reconnaître qu’il existe bien des éléments qui « peuvent diminuer la responsabilité du suicidaire » (Catéchisme de l’Eglise catholique, n°2282). Le canon 1184 du nouveau code de droit canonique de 1983 ne mentionne donc plus les suicidés parmi les « pécheurs manifestes auxquels on ne peut accorder les funérailles ecclésiastiques sans scandale public des fidèles », laissant aux pasteurs le soin de décider dans chaque cas particulier de ce qui conviendra le mieux, après un vrai dialogue avec les proches du défunt. « On ne doit pas désespérer du salut éternel des personnes qui se sont donné la mort. Dieu peut leur ménager, par les voies que Lui seul connaît, l’occasion d’une salutaire repentance. L’Eglise prie pour les personnes qui ont attenté à leur vie. » (Catéchisme de l’Eglise catholique, n°2283)

      • Bonsoir,
        je me permets d’ajouter la réponse que le saint curé d’Ars avait donnée: entre le pont et l’eau, que s’est-il passé dans la tête du suicidé? A-t-il demandé pardon à Dieu pour ses péchés?

  • Merci de votre réponse!
    J’ai posé cette question car mon oncle s’est suicidé en 1989.
    Je n’ai pas assisté à l’enterrement car j’étais toute jeune mais ma mère m’a dit que la messe avait été gâchée, que le prêtre avait critiqué et condamné le défunt…

    • Je vous en prie. Nous sommes désolés de ce qui est arrivé, comme de la réaction de ce prêtre. Une messe n’est cependant jamais totalement gâchée : c’est Jésus qui vient, à travers le prêtre. Et Jésus, lui, ne condamne pas ! Cependant, vous pouvez, aujourd’hui, si vous le souhaitez, faire dire une messe pour votre oncle, en offrant au Christ tout ce que ce tragique évènement a apporté de souffrances dans votre famille.

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