Qui est donc ce Dieu que les chrétiens ‘adorent’ ?

Dans Ainsi soient-ils, il est question de l' »adoration eucharistique » de Dieu présent dans l’hostie consacré pendant la messe. Mais quel donc est ce Dieu que les chrétiens adorent ?

S’il est vrai que tout homme a une dimension d’adoration, alors il faut chercher quel est le vrai Dieu.

1 Le Dieu des chrétiens est celui qui dit : « Je suis celui qui suis ». Ce qui
veut dire beaucoup de choses :
– J’existe réellement, absolument, mon existence ne dépend de personne, même pas de ceux qui croient en moi.
– Je n’ai pas à me situer dans le passé, je suis l’éternel présent ; c’est nous, avec le cosmos, qui sommes dans le temps. D’une autre façon le Dieu des Chrétiens dit : « Je suis celui qui était, qui est et qui vient. »

 

Dans « le livre de l’Exode » (un très ancien livre, le second dans la Bible juive et chrétienne) nous lisons que Moïse, un Israélite enfui d’Egypte, gardait un troupeau dans le Sinaï quand un jour il voit « un buisson qui brûle mais ne se consume pas. »

Intrigué, Moïse se détourne de son chemin pour aller voir de plus près ce buisson étrange, « le buisson ardent ». Lorsqu’il approche, il entend Dieu lui parler comme s’il était présent dans le buisson. Et Dieu lui dit son nom : « je suis celui qui suis ». (Exode, chapitre 3).

Brûler sans se consumer, c’est l’image du Dieu sur qui le temps, l’usure, la vieillesse n’ont pas de prise.

Dieu n’est pas dans le temps du cosmos ; il est hors du temps ; il est simplement. C’est pourquoi, contrairement à certaines images d’un vieillard aux chevaux blancs 1, Dieu est toujours jeune, Dieu ne meurt pas.

Mais ce buisson qui brûle sans se consumer, c’est aussi l’image de ce Dieu qui vient vers les hommes pour leur parler, de ce Dieu qui se fait homme même pour vivre avec nous et nous dire qui est Dieu : en Jésus Christ Dieu se fait homme. Dieu prend la nature humaine, on dit « il s’incarne », sans faire éclater, comme pour le buisson sans consumer la nature humaine.

2. Jésus Christ est Dieu qui s’est fait homme.

En se faisant homme, Dieu donne à l’homme, à la nature humaine, « d’être capable de recevoir Dieu »(1) C’est extraordinaire ! Tout au contraire de bien des fausses images que l’on se fait sur Dieu, nous ne sommes pas appelés à être dominés par Dieu de façon tyrannique ( ce à quoi on cherche à échapper en affirmant que Dieu n’existe pas), mais c’est Dieu qui se fait comme nous, homme, pour que nous devenions comme lui : il nous invite à recevoir le don de Dieu : faire partie de sa famille, entrer dans sa compagnie pour partager avec lui un bonheur infini.

Nous sommes donc appelés à devenir « Fils de Dieu », « frères de Jésus Christ »qui est lui Le Fils. C’est ce qu’exprime la prière chrétienne par excellence, que Jésus a apprise à ses disciples pour qu’ils nous l’apprennent : « Notre Père qui êtes aux Cieux… »

3. Nous avons été appelés à l’existence par amour.

Le Dieu des Chrétiens n’apporte-t-il pas ainsi la réponse à cette question existentielle, que tout homme est en droit de se poser : Pourquoi suis-je sur terre ?
Sans raison ? par absurdité, par erreur, par hasard ?

A cette question le Dieu des Chrétiens répond : « je t’ai appelé à l’existence parce que je t’ai aimé par avance, et je te propose de venir partager le bonheur infini qui est le mien »

4. Dieu le Père, Dieu le Fils, Dieu le Saint Esprit : un seul Dieu en trois personnes.

Les Chrétiens – comme les Juifs et les Musulmans – croient en un Dieu unique, ils sont « monothéistes ». D’ailleurs par sa propre raison l’homme est capable de découvrir qu’il ne peut pas y avoir plusieurs Dieux.

Sans entrer dans toute la démonstration, disons simplement que s’il y avait plusieurs Dieux, alors aucun ne serait vraiment Dieu puisque le propre de Dieu c’est d’être à lui-même sa seule cause d’existence, et d’autre part la cause d’existence de tout ce qui existe.

Mais dira-t-on comment les anciens Grecs et Romains, les Egyptiens, et beaucoup d’autres peuples étaient, ou même sont encore aujourd’hui « polythéistes », croyant en plusieurs Dieux ? A vrai dire des études plus exactes de ces différentes religions, en particulier celles de Mycea Eliade et divers travaux sur les religions africaines dites « animistes » semblent montrer que les religions polythéistes sont des dégradations progressives du monothéisme : il y a bien croyance originaire en un Dieu unique, mais ce Dieu semble inaccessible, voire indifférent à la vie des hommes ; aussi on reporte une partie de ses attributs divins sur des « dieux secondaires » à qui on pourra plus facilement s’adresser, et qui prendront plus ou moins d’importance.

Donc le Dieu Unique est bien ce qui est le plus conforme à la raison. Mais comment est-il ? qui est-il en vérité ? Il ne suffit pas de le supposer, de l’imaginer ; il est « lui », et non ce que je veux qu’il soit. Dieu, s’il existe, ne peut être qu’objectif, il ne dépend pas de ma subjectivité.

Il ne suffit pas pour connaître Dieu d’exercer sa raison droite, de faire une hypothèse « rationnelle », ou une théologie naturelle. C’est le premier pas, seulement Dieu est bien plus grand que nous et que notre raison.

Comment le petit peut-il connaître le plus grand, cet être tel qu’il ne peut y en avoir de plus grand (saint Anselme) ? Hé bien c’est évident, nul ne peut connaître Dieu si Dieu ne se fait pas connaître lui-même. C’est dans la mesure où Dieu se révèle que nous pouvons le connaître, un peu. C’est ce qu’on appelle la Révélation : ce que Dieu dit et fait pour que nous le connaissions.

Et Dieu s’est révélé à nous d’abord par les Prophètes de l’ancien Israël, puis par Jésus Christ. Et ce Dieu nous dit qu’il est Père, Fils et Saint Esprit. C’est ce qui est clairement exprimé notamment dans cette mission donnée par Jésus Christ à ses disciples à la fin de sa vie terrestre : « Allez donc, de toutes nations faites des disciples et baptisez les au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit »(Evangile de saint Matthieu, chap. 28, verset 19).

Dieu n’est donc pas tout seul, s’ennuyant dans son Ciel sans personne à qui parler : il est à la fois l’Unique, le seul Dieu, et en même temps trois personnes qui s’aiment parfaitement et sont en parfaite communion, chacun donnant tout son être aux autres, même cœur et même volonté.

Par surabondance d’amour, ce Dieu trinitaire donne l’existence à la création : nous existons parce que nous sommes aimés.

Les Musulmans refusent souvent que Jésus Christ puisse être Dieu, parce que disent-ils, Dieu ne peut pas comme un homme avoir de fils. Mais dans la réalité, n’est ce pas la question inverse qu’il faudrait se poser ? N’est ce pas l’homme qui a des fils comme Dieu a un fils ? Car l‘homme dit la Genèse (1) a été créé « à l’image de Dieu ». Aussi Saint Paul en contemplant ce mystère écrit sous l’action de l’Esprit Saint : « Je fléchis les genoux en présence du Père de qui toute paternité, au ciel et sur la terre, tire son nom » (Epître aux Ephésiens Ch. 3 v. 14).

Les Musulmans devraient bien réfléchir d’ailleurs au paradoxe avec lequel ils acceptent que Dieu puisse nous parler avec des paroles humaines, voire avec des mots écrits sur papier avec de l’encre, comme les sourates du Coran, pour nous dire qui il est, mais qui en même temps refusent d’accepter que Dieu se soit fait homme pour nous parler directement ! Un Dieu fait homme est ce donc plus difficile à Dieu qu’un Dieu fait mots ?

Pour revenir à la Révélation, le Credo est pour les Chrétiens tout ce que Dieu a appris à l’homme
1°) Par l’Ancien Testament (ensemble de livres communs aux Juifs et aux Chrétiens, et que les Musulmans acceptent aussi) ; dans ce t Ancien Testament sont recueillis des livres « inspirés », lois, histoire, sagesse, Prophètes ;
2°) Par les Evangiles, les Actes des Apôtres, les Epîtres et l’Apocalypse qui constituent le Nouveau Testament. La Bible chrétienne comprend donc l’Ancien et le Nouveau Testament.

Aujourd’hui, au début du XXIème siècle, nous pouvons nous référer au Catéchisme de l’Eglise Catholique (publié d’abord en français en 1992) pour connaître avec sûreté l’essentiel de ce que nous pouvons savoir sur Dieu Père Fils et Saint Esprit, sur la création de l’homme et l’histoire du salut, sur la vie chrétienne dans le monde présent.

Ce Catéchisme de l’Eglise Catholique comporte sur chaque sujet traité les citations et références de la Bible, des Pères de l’Eglise et des Conciles. Les Pères de l’Eglise sont les témoins de la foi des premiers siècles, ils ont été les premiers à réfléchir aux « Questions de l’homme sur Dieu » ; les Conciles sont des réunions d’Evêques autour du Pape qui ont tranché au fil des siècles, avec l‘assistance du Saint Esprit les problèmes d’interprétation.

(1) La Genèse est le premier livre de la Bible, dans l’Ancien Testament, commun aux Juifs, aux Musulmans et aux Chrétiens ; le début de la Genèse raconte la création par Dieu de l’homme et de la  femme « à l’image de Dieu il les créa ». Genèse, ch. V. 27

One Response to “Qui est donc ce Dieu que les chrétiens ‘adorent’ ?

  • Il me semble que les textes disons « catéchétiques » devraient être exprimés dans une langue plus souple, moins proche des textes officiels qui ont leur nécessité mais qui sont trop « langue de bois ». Je donne l’exemple de Joseph Malègue, grand écrivain catholique mort en 1940 mais plus vivant que jamais qui fait dire à un héros de son roman : « Loin que le Christ me soit inintelligible s’il est Dieu, c’est Dieu qui m’est étrange s’il n’est le Christ ». Il y a chez les philosophes chrétiens actuels bien des leçons à prendre à cet égard comme chez Falque par exemple, Girard ou aussi Etty Hillesum, Levinas, Michel de Certeau et aussi chez les mystiques tels qu’étudiés par Bergson par exemple, Paul Ricoeur, Blondel voire même ce que dit Habermas dans « Naturalisme et religion ». Ou Jean-Marc Ferry.

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