Ainsi soient-ils saison 2 : L’avis d’un supérieur de séminaire

Père Jean-Luc Garin - séminaire de Lille- Ainsisoientils

« Ce qui manque cruellement à la série, c’est la joie »

 

Le père Jean-Luc Garin, supérieur du séminaire interdiocésain de Lille, répond aux questions de La Croix du Nord, le 3 octobre dernier, reprenant presque mot pour mot le reproche que nous faisions à la série Ainsi soient-ils dans le Nouvel Obs de décembre 2012. 

 

 

Quel est votre regard sur cette nouvelle saison d’Ainsi soient-ils ?

J’ai les mêmes impressions qu’avec la première saison. Ce qui me frappe, c’est que tous les personnages vivent des drames intérieurs. Cela renvoie l’image d’une communauté de séminaire assez triste et l’accumulation des histoires tragiques ne rend pas les choses très crédibles. Ce n’est pas l’image d’une vie fraternelle joyeuse que l’on peut vivre ici. Les séminaristes sont livrés à eux-mêmes.
Dans la série, ce sont les séminaristes contre les pères alors qu’ici nous ne sommes pas dans une opposition frontale mais dans le soutien fraternel. Ce qui me choque aussi à l’écran, c’est la hiérarchie pleine d’intrigues. Je me sens très offensé. Je travaille directement en relation de confiance avec les 10 évêques du territoire du séminaire.

Existe-t-il des entretiens psycho-affectifs avec les séminaristes comme dans la série ?

Tout séminariste bénéficie d’un accompagnement spirituel pour lui permettre de relire sa vie dans toutes ses dimensions : cœur, corps, âme et esprit dans la confiance. D’ailleurs, ce que l’on voit dans la série est faux : je n’ai pas le droit en tant que supérieur de confesser les séminaristes. Ils partagent ce qui fait leur vie intime et personnelle avec un accompagnateur spirituel qui est un prêtre. Ce n’est pas intrusif comme dans la série. Et on ne renonce pas à sa capacité d’aimer quand on entre au séminaire. Il est important de vivre des amitiés fortes, avec des familles. Les séminaristes participent aussi à des sessions sur l’affectivité qui font partie du programme. Elles sont animées par des experts et se déroulent à l’extérieur du séminaire.

À l’image de ce séminaire imaginaire, le séminaire lillois s’est-il impliqué dans les manifestations contre le mariage pour tous ?

Non. Chaque séminariste agit en son âme et conscience. Dans les cours, la question a été travaillée de façon très précise afin que les séminaristes puissent redire avec leurs mots l’enseignement de l’Église sur le mariage et la famille. Puis, lorsque les choses étaient apaisées sur le plan politique, nous avons organisé une session sur « Comment, comme prêtre, accompagner les personnes homosexuelles ? » Comme prêtre, nous devons être le prêtre de tous. L’enjeu est qu’un séminariste puisse avoir des convictions tout en ayant un devoir de réserve.

En quoi ce que vivent les séminaristes à Lille diffère de ce que vivent les séminaristes dans la série ?

Ce qui n’apparaît pas, c’est la respiration entre la vie paroissiale et le séminaire. Dans la série, on montre beaucoup les séminaristes entre les murs. La vie d’un séminariste est très relationnelle : il côtoie beaucoup de laïcs en paroisse. C’est un lieu de formation humaine. Ce qui manque aussi cruellement dans la série, c’est la joie. La joie est un critère de discernement fondamental pour un prêtre. Le Christ, qui nous fait vivre et nous rassemble, n’est pas forcément présent dans la série. Mais il y a au moins un avantage : c’est qu’on parle des séminaristes. Les gens peuvent regarder la fiction mais il faut venir voir la réalité ! Les gens ne sont pas insensibles au fait que des jeunes renoncent à des études, à un salaire pour suivre le Christ et servir l’Église. 500 personnes sont venues à nos portes ouvertes, dont énormément de jeunes familles.

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