La genèse de la série Ainsi soient-ils

L'audience d'Ainsi soient-ils sur Arte

« Maso », le film qui fit connaître en 2009 Rodolphe Tissot, futur réalisateur d’Ainsi soient-ils.

> Lire aussi : un homme de l’ombre derrière Ainsi soient-ils

Au début de cette histoire, Arte cherchait à redorer son audience. Nous sommes alors en 2011. La nouvelle présidente du directoire d’Arte France, Véronique Cayla (poussée à cette place par Nicolas Sarkozy et Bernard Henri-Levy), a décidé, dans ce but, de lancer de nouvelles séries sur son antenne, en prime time, sur des « sujets de sociétés » (1). « L’antenne d’Arte se lyophilisait, expliquera-t-elle au journal Le Monde, il suffisait d’un peu d’eau et de fraîcheur pour la réveiller » (2).

La première de ces séries s’appellera donc « Ministères » (pour devenir ensuite « Ainsi soient-ils »), traitant ainsi directement de la question religieuse en général et de la foi catholique en particulier. Comme ancienne directrice du Centre national de la cinématographie puis membre du trio gérant le Festival de Cannes, Véronique Cayla le sait bien : depuis le succès du film Des hommes et des Dieux, les religions et le spirituel ont le vent en poupe.

Elle demande alors à Rodolphe Tissot de réaliser la série co-produite par Zadig production. Etait-ce le bon choix ? Ce dernier, qui n’a que 40 ans, s’est fait connaître pour ses talents par un court métrage intitulé « Maso ». Sur son profil Tweeter, on peut lire ce descriptif : « aime les adolescentes masochistes, les joueuses de poker compulsives, et les jeunes séminaristes ». Pour Arte, un coup de poker ?

Quoiqu’il en soit, en 2012, Arte lance Ainsi soient-ils avec une promotion pharaonique : dans le métro et sur les bus, affiches réalisées par BDDP & Fils (l’agence de la campagne du candidat socialiste aux présidentielles), mais aussi pubs dans les journaux à plus forte diffusion (lire notre article).

Pour la saison 2, Arte met ses pubs dans La Croix et s’offre même le luxe de réaliser un faux-site de séminaire très old-school et tournant en dérision l’univers de l’Eglise catholique, officiellement pour « attirer un public plus jeune ».

En prenant son poste, Véronique Cayla, souhaitait rendre la chaine « moins excluante » (3) auprès du public. Avec Ainsi soient-ils, la chaîne Arte, par sa provoc’, s’est pourtant délibérément exclue du public chrétien, avec des médias catholiques généralement très critiques envers la série. Ce coup de poker médiatique est donc un échec. Un beau gâchis quand on voit par exemple l’excellence de la performance de Jean-Luc Bideau, d’origine protestante, qui joue avec brio le Père Fromanger, directeur du séminaire – avant d’être remplacé par un « méchant », dixit David Elkaïm, co-scénariste de la série (4).

Sources :

  1. Le Figaro, encart « Culture », mardi 6 mai 2014, page 36.
  2. Arte carbure grâce aux séries, Les Inrocks, 7 février 2013
  3. Arte sort de son élitisme culturel, Le Monde culture, 15 septembre 2013
  4. Interview à Dimensions Série, un blog d’Arte, octobre 2014.

3 Responses to “La genèse de la série Ainsi soient-ils

  • Bon, je connais votre site depuis le début, étant moi-même impliqué dans l’aventure « Ainsi Soient-Ils ». Je ne vais pas ici me justifier de ma position vis-à-vis de l’Eglise, et du regard que je porte sur les hommes qui la font (bien moins malveillant que vous ne le pensez).
    C’est juste que la plupart des informations que vous diffusez sur ce site sur la série sont truffées d’à peu-près, d’erreurs, voire d’absurdités.

    Ainsi sur la genèse de la série. À l’époque où la série est lancée en développement, mi-2010, ce n’est pas Veronique Cayla qui est présidente d’ARTE, mais encore Jérome Clément. Par ailleurs, vous devriez vous renseigner un peu plus sur la manière dont les projets sont initiés dans les chaînes de télévision, et notamment à ARTE. En l’occurence, « Ministères » (qui deviendra « Ainsi-Soient-Ils » à quelques semaines de la diffusion) a été proposé par son producteur, Bruno Nahon, à un chargé de programme, puis à un directeur de la fiction, François Sauvagnargue. Une fois leur aval obtenu sur la simple idée suivante: « faire une série sur cinq jeunes prêtres aujourd’hui », Bruno Nahon a réuni son équipe. D’abord un scénariste, Vincent Poymiro, puis un second, moi-même. Le travail avec la chaîne, souvent âpre (nous n’étions pas toujours d’accord sur les choix d’écriture) a pris plus d’un an. C’est au cours de ce travail d’écriture que le film de Xavier Beauvois est sorti et a eu le succès que nous savons. Nous n’avons donc pas surfé sur la vague, comme vous le laissez supposer. Enfin, ce n’est qu’une fois le projet bien avancé que Bruno Nahon, et non Véronique Cayla, a proposé à Rodolphe Tissot d’en assurer la réalisation.

    Enfin, les propos que vous me prêtez sur le « méchant » qui aurait remplacé le Père Fromager, est par ailleurs l’exceptionnel personnage de Bosco de la saison 2. Certes un homme complexe, mais d’une belle humanité. Donc, oui, si vous voulez, « méchant » avec des guillemets… Un de mes personnages favoris.

    Enfin la série, dont le sujet est religieux, traite essentiellement des hommes et des liens entre ses hommes, mais aussi de l’engagement, quel qui’l soit.

    Sur ce, à bientôt, sur Tweeter, car je vois que vous ne lâchez pas l’affaire.

    • Cher monsieur, merci de votre commentaire, étant donné votre rôle dans cette série (!) nous vous avons écrit une réponse ici, sous forme d’article. Nous serions heureux de poursuivre ce dialogue, et restons preneurs d’une rencontre en vrai, voire même d’un débat : chiche ? Bien à vous.

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