Il devient prêtre après avoir fait une école de commerce

Jeune prêtre, Cyrille Janssen, 33 ans, raconte sa vie au séminaire de Paris et sa vocation après des études à l’Edhec. Il est aujourd’hui l’un des aumoniers des étudiants de Paris.

Jeune prêtre, vêtu de son col romain, le père Cyrille Janssen est prêtre à Notre Dame de la Gare dans le XIII ème à Paris. Mais il a aussi connu les associations et les soirées arrosées, comme bien d’autres étudiants d’école de commerce. «Assez rapidement, j’ai trouvé ça assez vain, je faisais semblant d’être heureux et je me suis rendu compte que j’avais surtout soif d’autre chose», raconte-t-il. Son parcours était pourtant tout tracé. Après son bac ES au lycée catholique Fénelon Sainte-Marie, il poursuit en classe préparatoire à Saint-Louis de Gonzague (Franklin) à Paris. Il intègre ensuite l’Edhec, plus connu pour son parcours en finance que pour ses études de théologie. Très vite, il pense abandonner, mais un prêtre l’en dissuade. Ce n’est qu’une fois diplômé, qu’il rentre au séminaire pour sept ans d’études. Il raconte sa vocation de prêtre, ses études, pour «ce qui n’est pas un métier», aime-t-il rappeler. Et d’ajouter: «Prêtre, on l’est pour la vie entière».

« J’avais 14 ans lorsque j’ai rencontré Dieu » Père Cyrille Janssen, prêtre


Ce que j’ai aimé: «La vie en communauté»

L’idée de devenir prêtre a été une question un peu lancinante chez moi. Mais je n’osais pas trop en parler. Je suis issu d’une famille catholique et pratiquante, j’ai été scout. C’est un terreau propice. Mais ce n’était pas facile pour autant. Le point de départ de mon cheminement, c’est d’avoir été un mauvais élève au collège. Avec du recul, cet échec s’est pourtant révélé être une vraie chance. Car à 13 ans je suis parti six mois dans un internat en Allemagne. Loin de mon entourage, je me suis alors questionné sur la foi, et c’est là que j’ai lu le témoignage bouleversant d’André Levet, un détenu qui a eu une apparition du Christ dans sa cellule. Cela m’a beaucoup touché. Et très simplement, je me suis dit: «Si lui, il L’a rencontré, pourquoi pas moi?». Du coup, avec pas mal d’audace, je lui ai donné rendez-vous… au parc Monceau. Le plus drôle, c’est que j’ai longtemps eu peur d’y aller! C’est seulement un an plus tard, lorsque l’une de mes sœurs m’a proposé d’y aller, que j’ai accepté de répondre à l’invitation que j’avais moi-même adressée à Dieu dans la prière. Et pendant que nous discutions au parc, un prêtre que je ne connaissais pas, est venu mettre sa main sur mon épaule comme si je lui étais familier, a posé sur moi un regard magnifique plein de tendresse et de douceur et m’a dit «bonjour» avant de repartir… Je ne savais pas qui il était et je ne l’ai jamais revu. J’avais alors 14 ans et venais de faire l’expérience que ma prière avait été écoutée… Dieu existe vraiment!

«En prépa à Franklin, je me suis ouvert à un prêtre qui m’a conseillé d’intégrer une école de commerce et de voir plus tard» Père Cyrille Janssen, prêtre

Mais, par la suite, j’ai eu peur de rouvrir le dossier de la vocation, de passer pour un extraterrestre. J’avais peur de la réaction des autres et manquais surtout de confiance en moi. Mais ce qui m’a intrigué c’est qu’alors que je n’en parlais pas, plusieurs personnes m’ont posé la même question: «Cyrille, tu ne voudrais pas devenir prêtre par hasard?». Mais il m’a fallu du temps pour découvrir qu’à travers ces personnes, c’était Dieu qui s’adressait à moi et qui questionnait ma liberté? En prépa à Franklin, je me suis ouvert à un prêtre qui m’a conseillé d’intégrer une école de commerce et de voir plus tard. Mais l’été avant d’intégrer l’Edhec, j’ai eu un grave accident de voiture. Ça m’a poussé à m’interroger plus sérieusement encore sur le sens de la vie. Seulement je manquais d’éléments pour être pouvoir choisir librement…

Après un an en école de commerce, j’ai fini par m’adresser au Service des vocations de Paris. J’avais envie d’abandonner mes études, qui ne m’intéressaient pas. Le prêtre que j’ai rencontré là-bas m’a dit: «Termine tes études, cela va te permettre de t’enrichir humainement, connaître le monde, faire des voyages, accumuler les expériences. Aussi l’Église a besoin que tu fasses fructifier tes talents…» Du coup, après un stage en Chine en 2008, j’ai fini l’école et suis directement entré à la Maison Saint-Augustin pour une année de discernement. Il s’agit d’un an qui permet de réfléchir sur sa vocation. Là-bas, avec d’autres jeunes, j’ai appris à prier, aller à la messe tous les jours, lire la Bible ou encore en visiter les malades. J’ai également séjourné un mois à l’Arche (communauté de handicapés mentaux fondée par Jean Vanier NDLR). À la fin de cette très belle année, j’ai choisi d’entrer au séminaire de Paris.
Ce qui m’a surpris: «Je suis allé à la prison de la Santé visiter les prisonniers»

L’une des choses qui m’a le plus surpris c’est la dimension intégrale de la formation: il ne s’agissait pas de nourrir seulement notre intelligence comme en école de commerce mais bien tout notre être avec sa dimension humaine et spirituelle. Je vivais dans une communauté de dix à douze autres séminaristes où nous partagions des temps de prière et les repas. Je faisais du sport et j’avais un service pastoral dans une paroisse ou une aumônerie. Je suivais des cours de théologie, j’étudiais les écritures saintes, l’histoire de l’église, la philosophie, le grec ancien, l’hébreu, le latin, pour lire les textes anciens. Je suivais les cours au Collège des Bernardin

Le séminaire dure sept ans. Au départ, ça semble très long. Ça prend du temps et ce n’est jamais fini…Mais, attention, ce n’est pas comme en école où il faut une note minimum pour passer dans la classe supérieure. Au séminaire, ce n’est pas un métier qu’on apprend: ce qu’il faut c’est donc un cœur capable d’aimer et de se donner…

Les missions qu’on m’a confiées m’ont également pas mal surpris. J’ai par exemple été envoyé à l’aumônerie de la prison de la Santé, je ne m’y attendais pas. Je disais aux prisonniers que c’était grâce à un détenu que j’avais rencontré Dieu. Ils étaient très surpris! Je me suis aussi occupé des étudiants, et de personnes de la rue lors de l’hiver solidaire. Aussi ces missions mont permis de faire de nombreux pèlerinages alors que je pensais plus tellement voyager (JMJ, Terre Sainte, sanctuaires…)…

Au final, pendant tout ce temps de formation je reconnais avoir bénéficié d’importants moyens humains, spirituels et financiers, avec des prêtres, des donateurs et des locaux. Nous vivions en effet grâce aux dons des fidèles.

Ce que j’ai moins aimé: «Il a fallu que j’apprenne à être plus souple»

Au séminaire de Paris, nous vivons en communauté où les profils des séminaristes sont très différents. C’est source de grandes richesses mais également d’adaptation et de souplesse permanente: il y avait des jeunes de 18 ans comme des gens de plus de 40 ans: étudiant, prof d’histoire, chef d’entreprise, prof de philo, informaticien, ingénieur. Il a fallu que j’apprenne à être plus patient, à pardonner, à accepter les autres tels qu’ils sont… Certains ont des dons pour chanter, faire la cuisine, étudier… D’autres moins… Bref, chacun doit trouver sa place dans la communauté et s’investir pour le bien de tous. Cela demande de la souplesse intérieure.

Le rythme global est également soutenu: outre les cours, le travail personnel que cela implique et la vie communautaire, nos journées comprennent également des temps de prière auquel s’ajoutent les services en paroisse et les différents imprévus qu’il faut gérer… Le séminaire nous apprend à sortir de notre zone de confort, ce qui n’est pas toujours facile.

Nos profs étaient exigeants et nous incitaient sans cesse à articuler la foi et la raison. Cette exigence était certes une bonne chose, mais cela pouvait également être éprouvant. Parfois, nos cours nous emmenaient sur des terrains qui me semblaient très abstraits: j’avais l’impression qu’on complexifiait les choses et que le lien avec la vie spirituelle disparaissait. Le risque est de croire qu’en connaissant plein de choses, on sera un meilleur prêtre. Mais ce qui fait un bon prêtre c’est sa capacité à aimer les gens et à leur faire rencontrer Celui qui est Amour. Autrement, dit, l’aspect intellectuel, sans la charité, cela ne sert à rien.

«Je porte le col romain, donc je suis facilement identifiable et certains étudiants n’hésitent pas à me parler».Père Cyrille Janssen


Ce que je fais maintenant: «Aumônier pour les étudiants parisiens»

Vicaire à la paroisse Notre-Dame de la Gare, je suis également aumônier pour les étudiants de l’université Paris 7 Diderot, de l’Inalco, de Tolbiac (Paris 1 Panthéon Sorbonne) et de l’école d’architecture Val de Seine. Je m’occupe de la pastorale. Nous avons un local situé à l’extérieur de l’université. C’est vraiment un lieu que je souhaite ouvert à tous les étudiants qu’ils soient chrétiens ou pas. Tous les jours nous les accueillons pour leur proposer de venir étudier, prier, se rencontrer ou encore déjeuner et réfléchir sur l’engagement de leur vie. À l’université, je ne suis pas attendu mais j’aime aller sur le campus: c’est intéressant de briser la glace, de rétablir un contact humain. Je porte le col romain, donc je suis facilement identifiable et certains étudiants n’hésitent pas à me parler. Je constate qu’il y a une vraie pauvreté humaine et spirituelle chez eux. Beaucoup ont des questions, sont intrigués ou veulent parler car ils portent des blessures douloureuses qu’ils aimeraient partager. D’autres ont une vraie soif spirituelle qu’ils veulent nourrir. Malheureusement, je constate aussi la solitude dont certains souffrent: ils habitent seuls et ont peu d’amis. Il y a aussi chez d’autres une pression liée à la réussite. Parfois, je recroise l’un ou l’autre. Je leur dis alors que j’ai prié pour eux. Ils sont surpris car ils ne s’y attendent pas!

Source : Le Figaro/SdT

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