Les prêtres martyrs de septembre 1792

Martyrsde1792

Le perron où furent exécutés la majorité des prêtres enfermés au couvent des Carmes. Une plaque a été ajoutée portant l’inscription « ici ils tombèrent ».

Le 2 septembre 1792, une centaine de personnes, en grande majorité des prêtres et religieux, sont massacrés dans les jardins et actuels bâtiments du Séminaire des Carmes, à Paris. D’autres encore le sont au séminaire Saint Firmin, ou encore aux prisons de dépôt La Force et de l’Abbaye. Sur les 1300 victimes des massacres de septembre, environ 200 prêtres y passeront. Certes, nous sommes là bien loin du divertissement de la série Ainsi soient-ils, dont l’action se passe, rappelons-le, dans un « séminaire parisien », sans nulle autre précision. Mais si c’était justement le séminaire des Carmes où se déroule l’action de la série ? Rappelons toute fois que le seul martyr dont on parle, à notre connaissance, dans Ainsi soient-ils, est Saint Sébastien, dont on se moque bien. Quoiqu’il en soit, aujourd’hui, 2 septembre, l’Eglise fête ces martyrs de la foi.

Le 12 juillet 1790, la Constitution civile du clergé est adoptée, instaurant l’élection des curés et des évêques, et sanctionnant de mort le clergé (et ses complices) refusant le schisme ainsi provoqué avec l’autorité de l’Eglise, à Rome. Sur 130 évêques, 126 la refusent, ainsi que 100 000 prêtres, sur 130 000. Devant cet échec, le 27 mai 1792, un décret de la Législative ordonne la déportation des prêtres réfractaires.

Aux Carmes (116 morts dont une centaine de prêtres sur 162 à 172 prisonniers) après avoir été dépouillée de son argenterie et de sa bibliothèque, la communauté des religieux Carmes déchaussés doit quitter son monastère, qui est transformée en prison pour accueillir les « suspects ». Ils deviendront, pour une large part, les victimes des massacres de septembre 1792. Ainsi, le 11 août 1792, au lendemain de la chute de la monarchie, l’église Saint Joseph des Carmes est transformée en dépôt pour les prêtres réfractaires arrêtés. Environ cent cinquante prêtres et dix laïcs y sont enfermés dans des conditions de vie précaires. Le 2 septembre, alors que les Prussiens marchent sur Paris, le tocsin attise la violence des révolutionnaires de la capitale. Vers 16 h, un groupe de forcenés en armes pénètre dans le jardin des Carmes pendant la promenade et massacre pendant quinze minutes plusieurs prêtres et deux évêques. Puis les commissaires de la section du Luxembourg organisent un simulacre de procès, demandant à chaque prisonnier de prêter serment ; à chaque réponse négative, le prêtre est exécuté à l’arme blanche. Après deux heures, environ 115 cadavres s’entassent dans le parc, jetés dès le lendemain dans un puits ou dans le cimetière de Vaugirard. Quelques uns ont été épargnés ou ont pu s’enfuir à l’aide d’une échelle…

A la prison de l’Abbaye (180 morts env. dont 21 prêtres sur 238 prisonniers dont 29 prêtres) les opérations se font sous la conduite du commissaire Stanislas-Marie Maillard, exécuteur des ordres du Comité de surveillance de la Commune de Paris. Ce commissaire avait installé un tribunal dans le couvent. Il jugeait et condamnait un à un tous ceux qui étaient présentés devant lui « à la Force ». Mais la porte s’ouvrait vers l’extérieur et dès que les religieux qui avaient refusé de prêter serment à la Constitution civile du clergé en franchissaient le seuil, ils tombaient sous les piques ou les baïonnettes. A noter que parmi eux se trouvait le Père Guillaume-Antoine Delfaud, député du clergé aux États généraux, vota avec le Tiers état contre les privilèges, mais refusa la constitution civile du clergé pour rester fidèle à l’Eglise. Il fut exécuté comme ses compagnons martyrs.

Au séminaire Saint Firmin, on compte 77 morts, tous prêtres (sauf 4 laïcs catholiques) sur 91 ou 93 détenus, et non sans des scènes édifiantes : l’Abbé Pottier continue à prêcher ses bourreaux tant qu’il a un souffle de vie. Un des maîtres d’école de la Pitié demande le temps de réciter un Pater, on le lui refuse. Plusieurs prêtres sont précipités par les fenêtres et sauvagement achevés sur le pavé, comme l’Abbé Caupène, qu’on prend tremblant de fièvre dans son lit et qu’on jette par la fenêtre de sa chambre ou l’Abbé Gros, dont la tête est coupée et promenée dans le quartier (1).

A la Force, ce fut encore 165 morts env. dont 3 prêtres sur 408 détenus… comme dans tant d’autres villes en France.

Béatifiés

En 1926, 3 évêques, 183 prêtres et religieux plus 5 laïcs catholiques, morts pour leur fidélité à leur foi et à l’Eglise, les 2 et 3 septembre 1792, sont béatifiés par le pape Pie XI.

La crypte de l’église Saint Joseph des Carmes abrite de nombreux ossements retrouvés en 1866. Plusieurs autres souvenirs du massacre sont répartis dans le séminaire : le perron où a eu lieu une partie des exécutions, une salle où le mur garde la trace des baïonnettes ensanglantées. Et quelques lieux où des prisonniers ont pu se cacher.

En septembre 1992, date anniversaire des massacres, environ trois mille fidèles assistent à la messe solennelle célébrée dans la chapelle des Carmes par Monseigneur Lustiger assisté de nombreux évêques. Cette cérémonie fut retransmise à la télévision.

(1) Précis historique complet et récit du massacre


 

Récit de l’abbé Berthelet de Barbot, l’un des seize prêtres qui furent officiellement épargnés aux Carmes

Plusieurs d’entre nous se firent un refuge d’un petit oratoire placé dans un angle du jardin ; ils s’étaient mis à dire leurs prières de Vêpres, lorsque tout à coup la porte du jardin fut ouverte avec fracas. Nous vîmes alors entrer en furieux sept à huit jeunes gens dont chacun avait une ceinture garnie de pistolets, indépendamment de celui qu’il tenait de la main gauche, en même temps que de la droite il brandissait un sabre. Le premier ecclésiastique qu’ils rencontrèrent et qu’ils frappèrent fut M. de Salins. (…) Ils le massacrèrent à coup de sabre, et tuèrent ensuite ou blessèrent mortellement tous ceux qu’ils abordaient, sans se donner le temps de leur ôter entièrement la vie, tant ils étaient pressés d’arriver au groupe d’ecclésiastiques réfugiés au fond du jardin. Ils en approchèrent en criant : « L’archevêque d’Arles ! L’archevêque d’Arles ! » Ce saint prélat nous disait alors ces mots inspirés par une foi vive : « Remercions Dieu, Messieurs, de ce qu’il nous appelle à sceller de notre sang la foi que nous professons ; demandons-lui la grâce que nous ne saurions obtenir par nos propres mérites, celle de la persévérance finale. (…) »

Nous nous rendîmes dans le sanctuaire ; et auprès de l’autel où nous nous donnâmes l’absolution les uns aux autres, nous récitâmes la prière des mourants et nous nous recommandâmes à la bonté infinie de Dieu. Peu d’instants après arrivèrent les assassins pour nous saisir et nous entraîner. (…)

Un commissaire de la section, envoyé avec la mission d’empêcher le massacre des prisonniers, vint s’établir avec une table et le registre d’écrou de la prison des Carmes, auprès de la porte par laquelle on descendait dans le jardin. Là, il appelle et fait venir les prêtres devant lui, deux par deux, pour constater l’identité de leurs personnes et s’assurer qu’ils persévèrent dans le refus du serment : il les fait passer ensuite dans le corridor qui aboutit à l’escalier par lequel on descend au jardin ; ils y sont attendus par les assassins qui les égorgent aussitôt qu’ils paraissent, et font entendre à chaque fois des hurlements affreux entremêlés du cri de « Vive la nation ! » (…) Les prêtres qui sont encore dans l’église ne peuvent plus douter du sort qui les attend ; et néanmoins, toujours en prière au pied de l’autel, ils n’en paraissent point troublés. Ceux qui sont appelés à leur tour par le commissaire se lèvent aussitôt, les uns avec la sérénité d’une âme pure et pleine de confiance en Dieu, les autres avec un empressement très marqué d’aller donner leur vie pour Jésus-Christ. L’un vient les yeux baissés, continuant sa prière, qu’il n’interrompt que pour répondre au commissaire ; et il la reprend tranquillement ensuite, en se rendant à l’escalier de la mort. (…) Un autre, son bréviaire, ou l’Ecriture sainte à la main, marche avec ces livres de divines promesses, et montre par son visage et sa démarche qu’il s’attend à les voir se réaliser quand il recevra le coup fatal. Quelques-uns, présentant aux assassins un front angélique, les regardent avec une douce charité, dans laquelle on ne peut méconnaître une touchante compassion pour leur frénésie. (…) Plusieurs enfin jettent des regards prédestinés sur la croix de l’autel et répètent ces paroles de Jésus Christ : Mon Dieu, pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font .

Ainsi périrent en vrais martyrs dans cet endroit trois illustres prélats, un très grand nombre de prêtres et un pieux laïc. Le commissaire lui-même fut touché de leur saint héroïsme. Deux jours après, il ne pouvait s’empêcher de dire à ceux des prêtres qu’il avait fait soustraire au massacre et qui étaient encore détenus au comité de la section : « Je m’y perds ; je n’y connais plus rien ; vos prêtres allaient à la mort avec la même joie que s’ils fussent allés à des noces !»

Sources : Wikipédia et séminaire des Carmes

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *